Encore trop méconnue du grand public, l’UX Research apparaît pourtant comme un maillon essentiel dans la chaîne du Product Design. Directement importé de la Silicon Valley, le concept gagne petit à petit du terrain en France.
Que se cache-t-il exactement derrière ce qu’on appelle la Recherche UX ? Quels en sont les bénéfices ? Faisons le point sur ce nouveau métier au carrefour des sciences humaines et des sciences cognitives.
Définition de l’UX Research
On l’appelle UX Research, Recherche UX ou encore Recherche Utilisateur. Tous ces termes désignent en fait la même chose : un ensemble de méthodes qui visent à étudier les usages et les besoins de l’utilisateur, ainsi que ses attentes concernant un produit ou un service. En d’autres termes, il s’agit de récolter des données qualitatives et quantitatives pour étudier les comportements des utilisateurs. Pour cela, de multiples méthodes sont utilisées (observation, entretien, tests…), afin de comprendre, évaluer et améliorer l’expérience utilisateur des produits et services.
L’UX Researcher intervient dès la première phase du processus de conception d’un produit (UX Design) et travaille main dans la main avec les équipes à chaque étape de réalisation du projet :
- Lors de la phase d’avant-projet, pour analyser les usages et besoins utilisateurs,
- Au moment de la conception de l’interface,
- Avant la livraison du projet, pour réaliser des tests utilisateurs.
Tout au long du design du produit ou du service, les résultats de ses investigations guident ainsi les membres de l’équipe et leur apportent des pistes de réflexion. Et ce afin de faire les meilleurs choix possibles en termes de design de l’interface.
Pourquoi la Recherche UX est essentielle ?
Si le Recherche UX prend autant d’ampleur au sein de la French Tech, c’est parce qu’elle intervient dans un contexte de complexification des produits. En effet, l’hyper-croissance de ces dernières années a entraîné l’émergence de nouvelles technologies, qui n’en finissent plus de se développer. Le problème, c’est que les utilisateurs ont parfois du mal à suivre le rythme et que les produits ne leur correspondent pas toujours. Et il est vrai que, aveuglés par l’utilisation de nouvelles fonctionnalités ultra-tendances, les entrepreneurs en oublient parfois qu’ils développent leur produit ou service pour une cible spécifique.
D’où l’importance de l’UX Research, qui entend reconnecter avec les utilisateurs, en les considérant comme le point de départ du produit. Une autre façon de rappeler que le client est roi ! Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la démocratisation de la méthode lean startup n’est pas totalement étrangère au succès de la Recherche UX. En effet, l’approche préconise l’expérimentation directe d’un produit ou d’un service via sa mise sur le marché, afin de le développer en fonction des feedbacks utilisateurs.
C’est précisément cette volonté de recentrer le produit sur l’utilisateur qui est aux racines de l’UX Research. Celle-ci part d’un principe simple : la qualité de l’expérience utilisateur découle de l’identification et des besoins des utilisateurs finaux. Et ce afin de développer un produit adapté à ceux à qui il est destiné. Un impératif quand on sait que 68% des internautes quittent un site en raison d’une mauvaise expérience utilisateur.
C’est la raison pour laquelle il faut faire de la recherche utilisateur une priorité, afin d’identifier les besoins des utilisateurs, pour :
- Définir le contexte réel d’utilisation du produit,
- Déterminer le parcours utilisateur idéal de la cible,
- Identifier les frustrations et problèmes rencontrés,
- Étudier les solutions proposées par la concurrence,
- Trouver la plus-value qu’apporte votre produit au service pour répondre au problème identifié.
Les avantages de l’UX Research
Que ce soit du côté des utilisateurs ou bien des entreprises, l’UX Research apporte de nombreux bénéfices.
Pour les entreprises
- Valider la pertinence de son idée et son hypothèse avant sa mise en œuvre : nombreux sont les entrepreneurs qui se basent à tort sur l’intuition pour développer l’interface de leur produit.
- Mettre le produit plus rapidement sur le marché : en corrigeant les bugs et les problèmes dès le début, sur la base des résultats trouvés par l’UX Researcher.
- Optimiser les coûts et gagner du temps : si la solution ne répond pas aux besoins des utilisateurs, vous vous épargnez les surcoûts du développement et des mois de travail.
- Trouver son Product Market Fit : intégrer les feedbacks des utilisateurs et comprendre leur point de vue permet de développer une solution adaptée au plus vite et améliorer leur expérience.
- Fidéliser les clients : en les impliquant tout au long du processus de conception.
Pour les utilisateurs
- Obtenir une solution qui répond à son besoin : l’utilisateur rencontrait un problème et votre produit apporte une solution concrète à cette frustration.
- Profiter d’une expérience agréable : La navigation sur votre nouvelle application est fluide et l’interface semble intuitive pour l’utilisateur. Il ne rencontre aucun bug ou problème de chargement.
- Gagner du temps : le client atteint son objectif rapidement car le parcours utilisateur est optimal. C’est d’ailleurs le meilleur moyen de convertir.
L’avis de l’expert theTribe
“L’UX Research permet de détecter et de comprendre les besoins utilisateurs, d’identifier les futurs usages et d’avoir le plus d’impact possible sur le produit. Le tout afin d’apporter de la valeur ajoutée aux utilisateurs et de ne pas développer une solution inutile.” Julie Salvano, Lead Designer
Quelles sont les méthodes de l’UX Researcher ?
Afin de peaufiner l’expérience utilisateur et produire un produit pensé pour son client, l’UX Research nécessite une organisation rigoureuse. En effet, il s’agit de collecter les données adaptées et de les analyser pour pouvoir en tirer les leçons adéquates. Le professionnel part ainsi à la recherche de deux types de data :
- Les données qualitatives : celles-ci permettent de comprendre le ressenti des utilisateurs et leurs comportements. Il s’agit d’informations souvent riches et approfondies, provenant d’entrevues directes avec les utilisateurs.
- Les données quantitatives : ces données sont la plupart du temps chiffrées (statistiques, information numérique…) et mesurables.
Pour extraire ces précieuses données, essentielles pour comprendre les besoins des utilisateurs, les méthodes utilisées par les UX Researchers sont classées en quatre grandes catégories :
- Découvrir
- Explorer
- Tester
- Écouter
1. Découvrir
Cette première étape intervient dans la phase d’avant-projet et permet de donner des indications nécessaires pour guider les décideurs dès le départ. Elle vise à rassembler le plus d’informations possibles sur la cible : attentes, besoin, frustrations, habitudes de consommation… Pour cela, deux méthodes sont utilisées :
L’interview
Quoi de mieux que d’échanger directement avec vos clients lors d’un face-à-face ? Contrairement aux questionnaires en ligne, cela vous permet de rencontrer votre cible lors d’une interview de 30 minutes à une heure. Cette technique est particulièrement efficace pour comprendre le ressenti des utilisateurs : peurs, préférences, émotions, envies, opinions…
L’avis de l’expert theTribe
“Pendant les interviews utilisateurs, on cherche à détecter les besoins des utilisateurs et les futurs usages. Pour cela, nos équipes ont élaboré en amont une mind map, une sorte de guide d’entretien avec des questions qui nous permettent de creuser des thématiques précises. À la fin, on peut en tirer des recommandations importantes pour développer le produit”. Julie Salvano, Lead Designer
Le benchmark UX
Le Benchmark UX, aussi appelé benchmark ergonomique, permet de comparer son site ou son application à ceux des concurrents directs et indirects. Cela vous permettra en outre de :
- Déterminer les points de faiblesse du site et, au contraire, les good practices à mettre en place,
- Trouver les bonnes manières de vous distinguer des concurrents.
Le benchmark se présente sous la forme d’une matrice constituée des éléments à comparer : la clarté du message (de la proposition de valeur), l’usabilité, la crédibilité, l’apparence et la loyauté. Ces premiers éléments fournissent des pistes pour optimiser le design de l’interface et l’expérience utilisateur.
Le Focus Group
C’est une technique qualitative bien connue en marketing, qui consiste à regrouper 5 ou 10 utilisateurs dans le cadre d’un échange encadré par un modérateur. L’objectif ? En savoir plus sur les attentes, besoins, frustrations, et désirs de la cible par rapport à votre produit ou service. Contrairement au test utilisateur, qui repose sur l’expérimentation du prototype, le groupe, ici, discute. Il peut donc exister un biais entre ce qu’il dit et ce qu’il fait réellement.
L’avis de l’expert theTribe
“Ce qui est intéressant dans le Focus Group, c’est la façon qu’ont les participants d’interagir et de con-construire des idées. En discutant, ils apportent de nouvelles données qui peuvent être utiles pour la conception du produit. Et cela constitue une réelle valeur ajoutée par rapport aux entretiens personnels.” Julie Salvano, Lead Designer
Le shadowing
Comme son nom l’indique, le shadowing est une technique qui consiste à devenir l’ombre des utilisateurs. En d’autres termes, il s’agit d’une méthode d’observation des comportements et des interactions de la cible.
L’avis de l’expert theTribe
“Suivre les utilisateurs au quotidien a un réel avantage : cela permet d’éviter le biais qui existe nécessairement lors des entretiens et des Focus groups. En les observant dans leur vie de tous les jours, vous pouvez analyser leur communication non verbale, ce qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas vous dire.” Julie Salvano, Lead Designer
Le sondage
Afin de récolter un plus grand nombre de données concernant les utilisateurs, il peut être utile de réaliser une étude quantitative en parallèle, sous forme de sondages. Ces derniers peuvent être envoyés via Typeform, Facebook ou bien par mail, selon les canaux privilégiés de la cible.
L’avis de l’expert The Tribe
“L’idéal, c’est de croiser la data issue de l’étude qualitative et celle récoltée lors de l’étude quantitative. Le rassemblement des deux permet d’avoir une vision plus complète des besoins utilisateurs.” Julie Salvano, Lead Designer
2. Explorer
L’analyse heuristique
À ce stade survient l’analyse des interfaces d’un produit / d’un service en fonction des grandes règles ergonomiques, de l’usabilité et de l’UX design : c’est ce qu’on appelle l’analyse heuristique ou bien l’audit UX. Il s’agit d’identifier d’éventuels problèmes techniques sur l’interface en se basant sur les critères suivants :
- Simplicité,
- Cohérence,
- Clarté,
- Accessibilité,
- Proposition de valeur.
Les résultats de cette analyse sont fournis sous la forme d’un rapport d’audit, constitué de captures d’écran qui permettent de montrer les points de friction rencontrés.
Les heatmaps
Ce terme anglophone qui peut paraître un peu barbare de prime abord désigne “une carte de chaleur”, c’est-à-dire une représentation graphique des endroits où les utilisateurs cliquent le plus souvent. De manière plus générale, il s’agit de visualiser la façon dont ceux-ci interagissent avec l’interface. On compte trois grands types de heatmaps :
- Heatmap basé sur les clics,
- Heatmap basé sur le déplacement de la souris,
- Heatmap basé sur le scroll.
Vous pourrez identifier les zones les plus populaires et les moins populaires, afin de déterminer quels sont les axes d’amélioration en termes de design et de navigation sur l’interface.
Le parcours utilisateur
Aussi appelé User Journey, le parcours utilisateur cartographie les étapes suivies par le client lors du processus d’achat d’un produit ou d’un service. Cela permet, d’une part, d’imaginer le parcours idéal et, d’autre part, de comprendre le parcours actuel. Il résulte de cette analyse des recommandations pour optimiser l’expérience client.
Les personae
En marketing, le buyer persona consiste à créer un personnage semi-fictif représentatif de vos segments clés d’audience. Cette technique permet de comprendre la logique, les attentes et les besoins de vos consommateurs, en les incarnant à travers un utilisateur fictif. Ce faisant, vous pourrez déterminer quelle est la meilleure manière de s’adresser à vos publics cibles à travers votre produit ou service.
Attention toutefois à ce que vos personas soient basés sur des données qualitatives et quantitatives concrètes.
3. Tester
La phase de test succède à celle de l’exploration et consiste à tester les interfaces directement auprès des utilisateurs. L’objectif est de demander à des personnes cibles de réaliser une liste de tâches concrètes (cliquer, scroller…). En testant directement les prototypes, il est plus facile de repérer les points de friction et les problèmes rencontrés lors de la navigation.
L’avis de l’expert theTribe
“Chez theTribe, on procède de la manière suivante pour les tests utilisateurs : on définit d’abord un protocole de test, on pose des questions exploratoires simples au début de l’entretien, puis on met le produit entre les mains des utilisateurs. Et là, on les fait penser à voix haute, c’est-à-dire qu’on les invite à nous faire part de tout ce qu’ils aiment et n’aiment pas dans le produit, toutes leurs interrogations…
En général, on essaie d’être deux en face de l’utilisateur : un designer et un Product Manager. C’est mieux d’avoir un binôme dynamique et de pouvoir se compléter dans les échanges.” Julie Salvano, Lead Designer
Les tests utilisateurs peuvent être réalisés en ligne, en laboratoire, ou bien dans des conditions réelles, selon la méthode choisie. Pour cela, différents outils sont mis en place :
- Le Tree test : Il s’agit d’une méthodologie utilisée pour valider l’arborescence d’un site ou d’une application. Concrètement, le test consiste à créer des tâches réalistes pour inviter les utilisateurs à deviner l’emplacement d’un contenu dans l’arborescence. C’est essentiel pour déterminer la navigation sur le produit / service est optimale.
- Le First Click : Le test du Premier Clic permet de déterminer l’endroit où clique en premier un utilisateur afin de compléter une tâche précise. C’est une façon particulièrement efficace d’estimer le niveau d’accessibilité de l’interface et la fluidité de la navigation.
- Le A/B test : Ce test sert à tester deux variantes d’une seule et même page afin de déterminer laquelle convertit le plus. La deuxième version doit intégrer des modifications (CTA, structure de la page, template…) par rapport à la première, pour proposer des prototypes différents aux testeurs.
L’avis de l’expert theTribe
“Après les tests, les utilisateurs reçoivent un formulaire Attrakdiff par mail. Il s’agit d’un formulaire normalisé d’UX qui comprend des mots avec des échelles, reprenant les qualités pragmatiques et hédoniques de stimulation et d’attractivité globale d’une interface. Il s’agit pour nous et nos clients de disposer de données supplémentaires afin d’avoir une vision plus complète.” Julie Salvano, Lead Designer
4. Écouter
Tous les UX Researchers doivent adopter une position d’écoute active afin de pouvoir retirer les meilleurs enseignements à la source, c’est-à-dire auprès des utilisateurs. En effet, tout au long du processus de conception, les feedbacks clients représentent une véritable mine d’or afin d’avancer en toute connaissance de cause. C’est absolument essentiel afin de concevoir un produit ou un service centré sur l’utilisateur, qui réponde véritablement à ses besoins. Il faut donc utiliser des outils pour aller à sa rencontre, que ce soit en ligne ou bien en face-à-face. La méthode la plus réputée étant :
Le sondage en ligne : Plus facile à organiser, le sondage en ligne est idéal pour récolter un très grand nombre de données utilisateurs en peu de temps. Pour cela, un questionnaire est diffusé et demande aux internautes de répondre à plusieurs questions. Vous pourrez ainsi obtenir des informations sur le profil de votre cible, ses attentions et ses frustrations.
Veillez toutefois à ce que le sondage soit court, clair et pertinent, car il est de plus en plus difficile de capter l’attention en ligne.
De manière générale, il est primordial pour les UX researchers de suivre les besoins utilisateurs, et ce, à chaque étape de conception et de développement du produit.
L’avis de l’expert theTribe
“Chez theTribe, on procède par itérations, c’est-à-dire qu’on ne fait pas juste de la recherche en amont, mais on intervient tout au long du process. À chaque fin de sprint, on fait tester le produit pour être sûr qu’on va dans la bonne direction, et pour s’assurer que ce qu’on développe a vraiment un intérêt pour l’utilisateur.” Julie Salvano, Lead Designer
Pour résumer
Ce petit panorama non-exhaustif des méthodes utilisées a permis de mettre en lumière le périmètre de l’UX Research et son importance. Inutile cependant de chercher à appliquer toutes les méthodes. À chaque produit / service ses outils sur-mesure et sa recette pour collecter les données qualitatives et quantitatives adaptées ! L’essentiel étant, bien évidemment, de pouvoir baser les décisions liées à la conception d’un produit sur des éléments concrets, afin de proposer l’interface la plus pertinente pour ses utilisateurs.
Bibliographie
- Méthodes de design UX (V2) par Carine Lallemand