HumanCraft est l’entreprise à l’origine de Needz, une plateforme qui met en relation les ESN et leurs clients. Nous avons profité de sa présence au Web2Day pour interviewer Laurent Giovannoni, le CTO de HumanCraft.
Comment passer d’un MVP à un produit mature après une levée de fonds ?
Pourquoi a-t-il choisi de faire appel à theTribe pour un renfort de 6 mois ?
Quels ont été les enjeux de la refonte de Needz ? Comment travailler en équipe mixte ?
Laurent s’est pris au jeu de l’interview, et a répondu à toutes nos questions avec transparence.
Bonjour Laurent ! Explique-nous : qu’est-ce que fait HumanCraft ?
HumanCraft a été créée il y a environ 5 ans par Martial Floucaud de La Penardille et Bertrand Pierson, qui venaient tous les deux du monde des ESN.
Leur ambition, c’était de remettre de l’humain au centre des prestations intellectuelles.
Le mode de collaboration habituel entre ESN et entreprises crée énormément de frustration de tous les côtés : du côté des consultants, qui sont parfois staffés sur des missions qui ne leur plaisent pas ; du côté des petites et moyennes ESN, qui ont du mal à se positionner au sein des grands comptes et à décrocher de belles missions ; et du côté des acheteurs au sein des entreprises clientes, qui sont très sollicitées, et perdent énormément d’énergie à lancer des appels d’offres et à trier les candidatures.
Chez HumanCraft, on résout ces problèmes en faisant matcher les compétences et les envies des consultants avec les besoins des entreprises.
Concrètement, comment ça se passe ?
On référence sur notre plateforme un club privé d’ESN que l’on a sélectionnées avec soin.
Les ESN publient les profils de leurs consultants et peuvent les enrichir avec leurs envies, leurs technos préférées. Les candidats sont triés sur le volet , grâce à une étape de tests techniques et d’entretiens.
De leur côté, les acheteurs au sein des entreprises clientes peuvent soumettre leurs missions sur la plateforme. On leur présente seulement 2 ou 3 candidats en fonction de critères divers (hard et soft skills, culture d’entreprise).
Pour le client, c’est simple : notre plafeforme Needz sert de guichet unique pour tous leurs besoins de prestations intellectuelles. Needz va proposer les bons profils, mais aussi permettre de gérer toute la chaîne d’achat de la prestation intellectuelle : appels d’offres, candidatures, panel fournisseurs, contrat, suivi d’activité (relevés de temps, comptes-rendu d’activité, facturation).
Les ESN sont ravies car elles ont accès à des appels d’offres sur lesquels elles n’auraient pas forcément été sollicitées. Elles trouvent de nouveaux clients, elles ont moins d’intercontrat, et disposent d’une plateforme centralisée pour le suivi de l’activité de leurs consultants.
Quant aux consultants, ils ont accès à des missions passionnantes, adaptées à leurs envies et à leurs ambitions. C’est du win-win, à tous les niveaux !
Comment avez-vous lancé le développement de la plateforme Needz ?
Aux lancement de Needz, je n’étais pas encore dans l’entreprise. Les fondateurs ont fait le choix d’externaliser à 100% le développement d’un MVP, pour aller très vite. Il ne voulaient pas avoir à recruter et gérer une équipe, c’était trop risqué, et puis il fallait être rapide pour tester le marché. Trois prestataires, dont theTribe, ont travaillé conjointement sur la première version de Needz.
Au départ les fonctionnalités étaient basiques : on pouvait référencer des ESN, déposer des CV de consultants, poster des missions. Ensuite, la plateforme a été enrichie avec de nouvelles fonctionnalités : saisie des comptes-rendu d’activité, facturation…
Ce MVP a confirmé l’intérêt du marché pour le produit, ce qui nous a permis de lever 5 M € en 2021. C’est à ce moment-là que je suis arrivé dans la boîte en tant que CTO.
Quel impact a eu la levée de fonds sur le produit ?
La levée de fonds a permis de passer à l’étape suivante, de scaler le produit, et l’organisation.
D’une part, le produit était encore un MVP, il y avait des choses qui n’étaient pas abouties, des fonctionnalités à ajouter, une architecture technique à solidifier : il fallait donc investir sur le produit pour continuer à avancer. La levée nous a donné les moyens de cette refonte.
D’autre part, la levée nous a donné les moyens d’internaliser les compétences petit à petit.
Dépendre à 100% sur un prestataire, c’est super pratique au début : ça permet d’aller vite et de ne pas prendre trop de risque. Les fondateurs ont pu se focaliser à 100% sur le business. Mais le problème, lorsque l’on dépend des prestataires, c’est que quand on a une idée, ça prend des mois à prendre forme : il faut trouver un prestataire disponible, valider son chiffrage, etc…
Quand le MVP a fait ses preuves et qu’on a les moyens de recruter, choisir d’internaliser est parfaitement naturel. Mais il faut y aller par étapes. Et c’est là que theTribe nous a aidés.
Pourquoi avez-vous choisi de vous faire aider dans cette nouvelle étape ?
Quand je suis arrivé chez HumanCraft, il y avait des enjeux forts sur la partie tech : recruter et organiser l’équipe, mettre en place le support, auditer la plateforme, faire les bons choix de technos, définir la roadmap, mettre au point toute la partie DevOps… Avec une particularité, c’est qu’on ne faisait pas qu’ajouter des fonctionnalités à la plateforme, il y avait une refonte technique à prévoir.
Si j’avais dû tout faire sans accompagnement, ça aurait pris beaucoup plus de temps. Et on avait un business plan, des objectifs à respecter. On a donc choisi de se faire aider, dans une logique très pragmatique : gagner du temps, et s’appuyer sur les meilleures compétences.
Pourquoi avez-vous fait appel à theTribe ?
On a audité plusieurs prestataires, mais notre choix s’est porté assez naturellement sur theTribe. On avait déjà travaillé ensemble sur le MVP, on savait comment les équipes travaillaient, elles connaissaient la plateforme. Et puis on partageait les mêmes valeurs, ce qui est super important quand on travaille main dans la main avec un prestataire.
On a travaillé ensemble pour construire la mission en fonction de nos attentes, avec deux besoins :
- du conseil pour choisir les bonnes technos, challenger la plateforme, mettre en place la bonne organisation et structurer l’équipe ;
- et de la réalisation, pour refondre ce qui devait l’être et développer des fonctionnalités clés qui manquaient au produit.
Quelle équipe a été mise en place pour cette mission ?
theTribe a monté une équipe de 4 personnes : Nicolas Adam comme Product Manager senior, et 3 développeurs.
De notre côté, on avait commencé à recruter : on a donc renforcé l’équipe avec un développeur interne à HumanCraft, Mickaell et Manon Defever, notre Product Owner.
Cette équipe mixte travaillait ensemble, comme s’ils faisaient partie de la même boîte, on ne faisait vraiment pas de différence.
Quels étaient les objectifs de cette mission ?
Tout d’abord, on s’est fixé un objectif de 6 mois de collaboration : c’était le budget que l’on était prêts à mettre. C’était important que l’on soit alignés là dessus. On a mis en place une feuille de route précise, avec un objectif de nombre de sprints à réaliser.
On a commencé par un Sprint 0, avec une série d’ateliers étalés sur plusieurs jours, pour mettre à plat la roadmap et définir le problème le plus urgent à résoudre. Ça nous a permis de préciser les objectifs de la refonte.
D’ailleurs, on a mis en place une roadmap orientée objectifs, theTribe nous a aidé avec ça et aujourd’hui, on continue. On définit des objectifs de valeur, par exemple “permettre à un client de pouvoir faire l’achat de prestations sur la plateforme”, et on découpe ces objectifs en quelques micro-étapes.
Au-delà de la roadmap, on avait un objectif clair : finir de recruter l’équipe et la rendre autonome sur le produit.
Tu as parlé du Sprint 0 en début de mission : tu peux nous en dire plus ?
Avec theTribe, on a mis autour de la table différents représentants de l’équipe, pour définir les fonctionnalités qui allaient apporter le plus de valeur au produit. En interne, on ressentait une certaine frustration face à tout ce que l’on n’avait pas encore fait, alors on avait énormément d’idées !
On a tout posé à plat. Et l’atelier nous a aidé à prioriser.
Au départ, les fondateurs étaient dubitatifs, ils avaient envie d’aller vite et avaient l’impression de répéter des choses qui avaient déjà été dites. Mais c’était important que tout le monde partage la même vision.
Le fait que l’atelier soit animé par des personnes de theTribe, ça nous a aidé : ça permet de mieux formaliser les choses, ça oblige à reformuler, à être pédagogue. Et puis, ça apporte aussi un cadre structurant, ça permet de rationaliser et formaliser les objectifs.
Une fois les objectifs posés, comment la mission s’est-elle déroulée ?
On a mis en place des sprints très courts : on livrait des nouveautés toutes les 2 semaines, en s’assurant de la continuité de service.
C’était stimulant, notamment pour les personnes en interne, qui attendaient des améliorations très opérationnelles qui allaient leur faire gagner du temps sur des tâches chronophages.
Mais theTribe ne nous a pas aidé que sur la production : en parallèle, ils ont aussi apporté énormément de conseils.
Sur les aspects techniques, ils ont challengé la plateforme et nous ont aidé à répondre aux questions qui se posaient : rester sur Symfony ? Quelle version ? Côté front, garder Twig ou bien partir sur Angular, ou encore React ?
theTribe a également aidé à organiser le travail en équipe : qualifier les demandes, organiser les sprints, mettre en place des rituels.
Enfin, ils ont formé au cas par cas notre équipe sur des méthodes, des technologies.
Les refontes, c’est souvent compliqué. Comment ça s’est passé pour Needz ?
C’est vrai que ce n’est pas simple. Lors d’une refonte, on touche à des fonctionnalités qui sont au cœur de la plateforme, il ne faut pas mettre en danger l’exploitation : on ne pouvait pas se permettre de couper le service. On aurait pu décider de partir sur un tunnel de 2 mois, pendant lequel on ne touche pas à la prod. Mais on a choisi de travailler de façon incrémentale. Et c’était le meilleur choix à faire.
C’est toute la force de l’agilité : on travaille par petits morceaux, et les gens voient rapidement arriver les évolutions qui apportent de la valeur. Si on se trompe, on peut rectifier le tir.
Très concrètement, on a continué à laisser vivre en parallèle les deux versions de la plateforme pendant un temps limité. Les données qui continuaient d’arriver sur la prod restaient compatibles avec la nouvelle version.
Ça n’a pas été long : pendant 2 sprints, on a continué à maintenir l’ancienne version, pour éviter de tout « casser », et une fois que tout a été stabilisé, on a basculé sur la nouvelle version. Il a fallu convaincre l’équipe, car les devs étaient pressés de lancer la nouvelle version : on n’aime jamais maintenir quelque chose quand on sait que ça va partir à la poubelle.
Mais à partir du moment où on se fixe un objectif temporel clair, et tant que l’on explique bien les différentes étapes, ça marche bien, car tout le monde est aligné sur là où on veut aller.
En tant que CTO, quel a été ton rôle pendant cette période transitoire ?
J’étais présent à tous les ateliers et j’ai participé aux développements, la gouvernance technique s’est faite de façon collégiale avec theTribe, mais c’est theTribe qui a pris le lead sur les développements. J’étais en confiance, on faisait beaucoup de peer programming. Cela m’a permis de me concentrer sur des tâches complexes, notamment la partie devOps, automatisation de la chaîne d’intégration continue, déploiement. Ça m’a aussi dégagé du temps pour le recrutement.
Aujourd’hui, comment organisez-vous la roadmap ?
On a conservé les rituels et l’organisation mis en place lors de notre collaboration avec theTribe, notamment la roadmap orientée objectifs. C’est Manon, notre PO, qui est chargée de collecter les besoins auprès de l’interne, du CODIR, des utilisateurs.
Aujourd’hui, on a une roadmap à 6 mois, mais on s’autorise à la faire évoluer en fonction des opportunités business et des urgences.
On a un comité stratégique chaque mois pour revoir la feuille de route. Faire des plans sur la comète à 3 ans, ça ne sert à rien ! Entre-temps, il y aura toujours un prospect stratégique qui apportera de nouveaux besoins.
Comment gérez-vous les problématiques de dette technique ?
On a toujours un stock de “tech stories”, des sujets techniques dont on sait qu’il faudra les traiter. On les anticipe, on les détecte, et quand il nous reste un peu de temps, on les traite. On ne fait pas des sprints complets sur les sujets purement techniques, car on garde le focus sur le business et les utilisateurs.
On aura toujours de la dette technique, la perfection, ça n’existe pas car les méthodes et technos évoluent très vite !
Aujourd’hui, est-ce que vous continuez à externaliser ?
On est 100% autonomes aujourd’hui, mais on ne s’interdit pas de demander du renfort quand on en a besoin.
Récemment, on a refait appel à theTribe pour une mission précise, pendant 2 mois. On avait un chantier sur la gestion des rôles utilisateurs sur lequel on avait besoin d’accélérer, alors on n’a pas hésité. Il faut chercher la compétence là où elle se trouve, plutôt que tout vouloir faire en interne.
Avec theTribe on est tranquille, on sait comment ils travaillent. Bien sûr, ça a un coût, mais ça apporte énormément de valeur.
Quand on a besoin d’aller vite, theTribe arrive avec de bonnes méthodes, des équipes au top, et quand ils ont terminé on reprend le relais.
Quels sont tes conseils pour choisir un prestataire ?
L’aspect budgétaire est important, bien sûr, mais l’humain prime.
Quand on donne les clés du camion à un prestataire, il faut avoir confiance. Avec theTribe c’est fluide, la confiance s’est construite petit à petit.
Ils sont dans le même mood que nous, on a des équipes qui partagent les mêmes valeurs humaines, et c’est ça le plus important.
Quels sont vos enjeux pour l’avenir ?
L’enjeu essentiel, maintenant, c’est de gérer notre croissance.
Ce n’est pas simple de passer de 4 à 30 collaborateurs en 1 an et demi. C’est stimulant, mais il faut bien gérer son budget, accueillir les nouveaux arrivants, créer une cohésion d’entreprise.
Justement, comment est-ce que vous recrutez ?
On essaye de trouver des personnes qui collent bien à la mentalité de la boîte, et qui adhèrent à la vision. Sinon, on a des personnes qui sont certes compétentes, mais qui ne s’accrochent pas, alors on repart dans un nouveau cycle de recrutement, on perd du temps et on décourage ceux qui restent.
C’est pour cela que nous, on choisit de recruter en priorité des gens qui ont la tête bien faite et qui ont des valeurs qui nous correspondent, même s’ils n’ont pas toutes les compétences techniques.
La technique, ça s’apprend, mais les valeurs, c’est un état d’esprit, et c’est le plus important au bout du compte.